« N’oublions pas le transport de marchandises… »

Une trentaine de secondes sur un discours d’un peu moins d’une vingtaine de minutes, c’est le temps au cours duquel la Première Ministre, Elisabeth Borne, a évoqué le transport de marchandises après avoir reçu le nouveau rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Un document dans lequel le fluvial ne trouve pas vraiment sa juste place dans le contexte pourtant mis en avant de transformation des transports pour qu’ils deviennent « décarbonés » et durables.

« N’oublions pas le transport de marchandises qui représente une part importante des émissions du secteur. Nous avancerons dans sa « décarbonation » par la modernisation du réseau ferré bien sûr mais aussi des investissements pour la régénération du réseau fluvial, pour la modernisation des grands ports et en facilitant les connexions entre les différents réseaux », a dit la Première Ministre Elisabeth Borne, dans son discours suite à la remise officielle du nouveau rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), le 24 février 2023 dans les locaux de Matignon.

Ce rapport, annoncé comme une refondation de celui de 2018 du même COI alors présidé par Philippe Duron, avait été commandé par le ministre délégué chargé des transports Clément Beaune en octobre 2022.

Pour David Valence, président du COI : « Le fait que la Première Ministre ait demandé qu’il soit remis à Matignon témoigne de l’importance qu’elle attache au sujet, essentiel pour la planification de la transition écologique ».

Plus d’informations sur les annonces, notamment concernant le ferroviaire, sur le site de l’Antenne, une publication du groupe Téma, auquel appartient également NPI.

« Planification » et non pas seulement « transition » écologique

En remettant le rapport à la Première Ministre, David Valence a prononcé une courte allocution, évoquant lui aussi très rapidement le transport de fret : « Je veux aussi insister sur l’enjeu stratégique de la logistique, la « décarbonation » de ce secteur a, à peine, commencé. Le gouvernement a initié des efforts importants ces dernières années et doit rassurer sur leu pérennité ».

Il avait précédemment insisté sur l’un des trois scénarios présentés dans le rapport : « Nous proposons un scénario central de planification écologique, pas seulement de transition, avec des efforts constants pour des transports « décarbonés » et durables. Il met l’accent sur les réseaux existants, structurants pour la vie des gens. Nous avons le premier réseau routier d’Europe, le premier réseau de voies navigables, le deuxième réseau ferroviaire. Faire fructifier ce capital est un devoir, le faire fructifier en modernisation, en régénération, en développement ».

Du flou sur le fret ferroviaire

« Elisabeth Borne a proposé une « nouvelle donne ferroviaire », avec des investissements de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici 2040 afin de faire du ferroviaire la colonne vertébrale des mobilités », a réagi l’Association française du rail (AFRA) appelant « à décliner au plus vite cette stratégie dans une loi de programmation et à réviser le contrat de performance de SNCF Réseau ».

L’AFRA, qui rassemble les opérateurs alternatifs à la SNCF, note qu’il « reste à financer cette « nouvelle donne ferroviaire » : seuls 25 % du financement semblent prévus, laissant 75 milliards d’euros à trouver ! »

Cette association relève encore « de nombreux flous, comme sur les investissements pour le fret ou sur les projets comme l’axe Lyon-Turin ».

Des préconisations en retrait par rapport aux constats

Le rapport du COI a « fuité » dans la presse dès le mois de janvier, par exemple chez nos confrères de Mobilettre. Entreprises fluviales de France (E2F) avait alors réagi sur le contenu concernant la filière fluviale, relevant notamment « encore une fois, à quel point le COI se montre timoré dans ses ambitions logistiques et écologiques ».

Pour l’organisation représentative de la filière : « Si le fluvial voit la stratégie du contrat d’objectifs et de performance Etat-VNF (le fameux « COP ») largement confortée, une bonne chose à l’heure de sa revoyure, le COI ne va pas jusqu’à tirer les conséquences de son propre constat sur l’état des infrastructures fluviales (…). Ainsi le COI, s’il propose de rendre plus cohérente la trajectoire financière sur la période 2023-2027, ne va pas jusqu’à préconiser une amplification significative des crédits pourtant absolument nécessaire au vu de ses propres constats. Certes, l’option de « dénavigation » est confirmée comme étant écartée ce qui est une profonde satisfaction pour la profession, mais certaines liaisons interbassins à petit gabarit sont encore, toujours, sur la sellette, nuisant potentiellement à la cohérence du réseau. On découvre ainsi que 8 % du réseau « passeraient » en gestion hydraulique… Ce qui n’est, à notre sens, pas le cas ».

Tour d’horizon des grands projets fluviaux

Selon E2F, « au chapitre des projets, le COI se concentre sur la liaison Seine-Escaut intégrant le maillon central ainsi que Mageo et Bray-Nogent. Cohérent et rassurant pour la suite ». Cette organisation ajoute : « Le COI considère, par ailleurs, que le changement climatique et les alternatives ferroviaires ne justifient pas un grand aménagement du canal du Rhône à Sète, qu’il s’agit essentiellement de conforter et d’entretenir. Une appréciation prudente, qui n’injurie pas l’avenir, mais montre encore une fois à quel point le COI se montre timoré dans ses ambitions logistiques et écologiques ».

Le COI rappelle qu’il a été saisi d’une demande d’acteurs économiques du secteur fluvialpour mettre en avant un projet de canal du Rhin à la Saône (voir article de NPI). 

E2F relève : « On apprend au travers de ce rapport que la France aurait retiré de ses projets prioritaires adressés à l’Europe la liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin et que, de fait, l’Europe ne la retenait pas pour les RTE-T. Ceci aurait mérité, à tout le moins, un débat national. Après près de 60 ans d’études et de travaux, le réengagement successif d’au moins 4 Présidents de la République, on assisterait ainsi à une décision couperet sans aucun débat préalable. Si cette information était confirmée elle apparaîtrait comme une erreur à la fois stratégique et historique. (…) d’un trait de plume le COI décide que les flux Nord-Sud ne passeront pas par le fleuve (…). Au final, entre les préconisations sur le canal du Rhône à Sète, la prise d’acte sur Saône-Moselle/Saône-Rhin, et les hypothèques non encore levées sur les liaisons interbassins nord-sud à petit gabarit, la France fluviale qui nous est donnée à voir est coupée en deux ».

Une absence de vision pour la logistique

E2F conclut : « Ce rapport du COI porte néanmoins une « ambition de voie d’eau », mais encore très en-deçà de ce que pouvaient légitimement attendre les acteurs du fleuve en termes de priorités budgétaires. La faute sans doute à un certain manque de vision, de vision de la voie d’eau mais surtout de vision de la logistique elle-même. On aurait aimé, par exemple, y lire des préconisations sur les ports intérieurs et plate-formes trimodales, ainsi que des développements sur l’aménagement des têtes de bassins… Aux politiques maintenant de reprendre la copie. La vigilance est de mise en ces temps d’inflation, pour que le fluvial ne fasse pas les frais d’arbitrages budgétaires guidés par des priorités intermodales autres ».

Une absence de vision confirmée par le silence quasi assourdissant sur le transport de marchandises et la logistique lors des prises de parole à l’occasion de la remise officielle du rapport. A voir si une audition du président du COI sur le rapport annoncée pour le 1er mars 2023 devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale va permettre de changer un peu l'analyse.

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